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Le « Greenhushing » : qu’est-ce que cet « éco silence »

Alors que le greenwashing (écoblanchiment) est désormais bien connu, son opposé l’est beaucoup moins. Si le premier désigne une stratégie de communication visant à embellir son image auprès du public à grands renforts d’arguments écologiques trompeurs, le greenhushing consiste au contraire à taire complètement les engagements environnementaux d’une entreprise.

Se prémunir des critiques


Cette démarche peut démontrer que l’engagement est sincère, mais c’est loin d’être toujours le cas ; elle signifie souvent qu’aucun effort n’est réalisé ou qu’ils sont largement insuffisants. Par crainte d’être visées par les médias et les écologistes ou encore critiquées par leur propre clientèle, les marques ne communiquent plus sur ce type d’argument. Une stratégie qui leur permet de contourner l’opinion publique tout en se protégeant d’éventuelles poursuites judiciaires.
Le terme greenhushing a été créé en 2008 mais il connait un élan de popularité depuis quelques mois. En cause, une réglementation plus stricte qui encadre désormais les
allégations telles que « neutre en carbone », « naturel », « biodégradable » et autre « respectueux de l’environnement ».
Ces allégations sont souvent exagérées, non vérifiables voire totalement fausses et induisent les consommateurs en erreur.
En parallèle, les Français sont de plus en plus conscients des dommages causés par le changement climatique mais aussi de la responsabilité des entreprises qui cherchent avant tout à tirer profit de leur volonté de consommer mieux.


Enquête sur l’écoblanchiment : Un quart d’anomalies


La DGCCRF a mené une grande enquête sur l’écoblanchiment des produits non-alimentaires et des services, c’est-à-dire sur les allégations environnementales utilisées pour les valoriser (une pratique communément appelée « greenwashing »). Un quart des entreprises présente des anomalies.


Les consommateurs soucieux de l’impact de leurs achats


De plus en plus d’entreprises y ont recours, conscientes que les consommateurs sont sensibles aux enjeux environnementaux de leur consommation.
En effet, d’après le Baromètre de la consommation responsable, paru en octobre 2022, près de 3 Français sur 4 déclarent changer leurs pratiques au quotidien pour réduire l’impact de leur consommation.
Ils sont tout aussi nombreux à souhaiter être mieux informés sur l’impact environnemental et social des produits qu’ils achètent, selon l’Ademe.


1 100 entreprises contrôlées


Encore faut-il que ces allégations ne trompent pas le consommateur et s’inscrivent dans une démarche de transition écologique. Raison pour laquelle la Répression des fraudes a contrôlé 1 100 établissements en 2021 et 2022 pour vérifier « la loyauté des allégations environnementales utilisées pour valoriser les produits non-alimentaires et les services, ainsi que (…) la loyauté des labels présentés comme écologiques ».
Ces contrôles concernaient tous types de produits (cosmétiques, textiles, jouets, produits d’ameublement…), mais aussi des prestations de services, dans l’hôtellerie ou la blanchisserie par exemple.


Des allégations pas toujours justifiées


Un quart d’entre eux présentait des anomalies : des allégations jugées « globalisantes, non justifiées, imprécises, ambiguës ou même contraires aux dispositions légales ».
Ainsi, certaines allégations suggéraient un bénéfice global pour l’environnement et non un effet particulier (comme « éco-responsable », « écologique », « respectueux de l’environnement »), et qui donc ne sont pas vérifiables. Dans certains cas, des professionnels mettaient en avant une contribution à une cause sans que celle-ci ne soit avérée.
Les enquêteurs ont également relevé des allégations imprécises ou ambiguës comme les mentions du type « 100 % » ou « zéro » qui ne concernent en réalité qu’un seul aspect du produit.
Enfin, parmi les allégations contraires aux dispositions légales, la DGCCRF a relevé que de nombreux professionnels apposaient des allégations environnementales et divers logos verts sur des produits chimiques alors que les réglementations
européenne et nationale interdisent ce type de mention pour ces produits.


Des contrôles renforcés


À la suite de ces contrôles, la plupart des professionnels a procédé à une mise en conformité en modifiant ou en supprimant les allégations trompeuses. La DGCCRF a dressé 141 avertissements, 114 injonctions et 18 procès-verbaux pénaux ou administratifs ; les pratiques les plus graves ont fait l’objet d’une transmission à la justice.
L’institution indique restée « pleinement mobilisée dans la lutte contre l’écoblanchiment et renforce ses contrôles pour l’année 2023 ».


Neutralité carbone : une allégation mieux encadrée


Depuis le 1er janvier 2023, les annonceurs ne peuvent plus vanter un produit ou un service comme neutre en carbone sans preuves. C’est l’une des mesures phares de la loi Climat et résilience de 2021. De nombreuses allégations fleurissent sur divers produits et services, telles que « zéro émission », « neutre en carbone », « 100 % carbone compensé », « zéro carbone », etc.
Le décret d’application de cette mesure prévoit la réalisation annuelle d’un bilan carbone, comprenant le chiffrage des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné sur l’ensemble de son cycle de vie (de sa fabrication à sa destruction ou son recyclage), afin de prouver l’allégation.
Par ailleurs, la compensation carbone (ou contribution carbone*) ne pourra survenir qu’en fin de processus et ne concerner que les émissions résiduelles. L’objectif est
notamment d’inciter les entreprises et collectivités à réduire au maximum leurs propres émissions avant de chercher à les compenser en achetant des « crédits carbones », qui ne suffisent pas à lutter contre le dérèglement climatique. 

* La compensation carbone consiste à essayer de contrebalancer ses propres émissions de CO₂ par le financement de projets de réduction d’autres émissions ou de séquestration de carbone (par exemple, le financement d’une plantation d’arbres pour compenser un vol d’avion).


Risque d’invisibiliser les bonnes pratiques


Ainsi, la législation et l’essor des réseaux sociaux permettent à de plus en plus de personnes d’être informées et de mieux identifier les marques réellement engagées de celles qui ne le sont pas. Néanmoins, la pratique du greenhushing risque de faire de l’ombre aux entreprises en chemin vers de meilleures pratiques.
Parmi les raisons qui les poussent à n’en rien dire : la peur de mal communiquer, la crainte d’être accusée à tort de greenwashing, ou encore la méconnaissance du sujet.
En outre, des entreprises porteuses de valeurs éthiques sont parfois mal à l’aise à l’idée de mettre en avant leurs engagements en vue d’augmenter leur chiffre d’affaires.


Une pratique répandue en France


Selon le dernier rapport de South Pole, tous les secteurs d’activité se livrent à présent au greenhushing. Il révèle notamment que « 88 % des firmes proposant des services
environnementaux déclarent moins communiquer sur le sujet, alors que 93 % d’entre elles respectent pourtant leurs objectifs environnementaux ».
Et si le greenhushing est pratiqué dans le monde entier, le rapport pointe du doigt la France, pays le plus concerné (82 % des entreprises déclarent en faire usage), principalement en raison du durcissement du cadre réglementaire.
Par ailleurs, cette pratique peut entraîner une baisse des objectifs environnementaux, en repousser les échéances avec un risque de réduire la pression de l’opinion publique sur les entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre, mais aussi affaiblir la concurrence entre les marques sur le plan environnemental. Au final, les prises de décision relevant de la lutte contre le changement climatique peuvent s’en trouver ralenties… Or, les dispositifs mis en oeuvre pour encadrer les communications environnementales devraient pousser les entreprises à s’améliorer plutôt qu’à cesser de communiquer.
Pour limiter ce phénomène, des données environnementales standardisées doivent être instaurées afin que les actions des entreprises soient rendues publiques et puissent être comparées. La mise en oeuvre progressive dès cette année de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) permettra de rendre obligatoire un suivi extra-financier annuel constitué des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance pour les 50 000 entreprises européennes les plus importantes.

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