Cons. const., 21 oct. 2022, n° 2022-1016 QPC
Karine Lescure Rédaction Lexis Veille
Sont conformes à la Constitution les dispositions du Code de la consommation permettant à la DGCCRF d’enjoindre aux opérateurs de déréférencer, afin de faire cesser des pratiques commerciales frauduleuses, les adresses électroniques des interfaces dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite.
C’est ce qu’a jugé le Conseil constitutionnel le 21 octobre 2022 en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité dont il avait été saisi le 26 juillet dernier par le Conseil d’État (CE, 22 juill. 2022, n° 459960).
Étaient contestées les dispositions de l’article L. 521-3-1 du Code de la consommation aux termes desquelles l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prendre des mesures pour faire cesser certaines pratiques commerciales frauduleuses commises à partir d’une interface en ligne. En particulier, elle peut, dans certains cas, enjoindre aux opérateurs de plateforme en ligne de procéder au déréférencement des adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère illicite.
Le Conseil énonce d’abord qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, le droit à la liberté d’expression et de communication implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer.
Il rappelle ensuite que si le législateur peut instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers, cette liberté est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent donc être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
D’abord, ces mesures sont justifiées au regard de leur objectif général : l’impératif de protection du consommateur et la nécessité d’assurer la loyauté des transactions commerciales en ligne.
Ensuite, le dispositif est entouré de garanties suffisantes :
– il ne s’applique qu’à des sites internet ou à des applications, exploités à des fins commerciales par un professionnel ou pour son compte, et permettant aux consommateurs d’accéder aux biens ou services qu’ils proposent, lorsqu’ont été constatées à partir de ces interfaces des pratiques caractérisant certaines infractions punies d’au moins 2 ans d’emprisonnement et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs. Et seules peuvent faire l’objet d’une telle mesure les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite ;
– il ne peut être mis en œuvre que si l’auteur de la pratique frauduleuse constatée sur cette interface n’a pu être identifié ou s’il n’a pas déféré à une injonction de mise en conformité prise après une procédure contradictoire et qui peut être contestée devant le juge compétent ;
– le délai fixé par l’autorité administrative pour procéder au déréférencement ne peut être inférieur à 48 heures et permet ainsi aux personnes intéressées de contester la décision en référé ;
– sous le contrôle du juge qui s’assure de sa proportionnalité, la mesure de déréférencement peut ne s’appliquer qu’à une partie de l’interface en ligne ;
– enfin, le dispositif n’a pas non plus pour effet d’empêcher les exploitants de ces interfaces d’exercer leurs activités commerciales, leurs adresses demeurantes directement accessibles en ligne.
Le Conseil constitutionnel écarte donc l’ensemble des griefs et juge les dispositions contestées conformes à la Constitution.
Source:
– UnIon Régionale des Organisations de Consommateurs
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